ACCEPTER LA MATERNITÉ PAR DON D’OVOCYTES (FIV DO)
Tout d’abord, tout protocole PMA quel qu’il soit peut être difficile et douloureux. On parle souvent des montagnes russes, ou de l’ascenseur émotionnel de la PMA. Chaque annonce de grossesse est comme un coup de poignard et la PMA s’immisce dans toutes les facettes de notre vie.
Mais quand une femme ou un couple doit recourir à un don d’ovocytes (ou un don de gamètes en général), la charge émotionnelle est décuplée car même si on va porter le bébé pendant 9 mois, on doit renoncer à notre patrimoine génétique. Cela bouscule bien souvent notre vision de la maternité et de la famille. Et cela réveille beaucoup de peurs.
Alors comment accepter ce chemin si particulier vers la maternité ? Comment faire ce choix de manière plus sereine ? Et comment mieux vivre tout ce processus ?
Quelles émotions quand on envisage le don d’ovocytes ?
– La charge émotionnelle liée au don d’ovocytes
Tout d’abord, le don d’ovocytes est une formidable opportunité et représente beaucoup d’espoir pour beaucoup de femmes. Mais il vient souvent accompagné d’émotions pas toujours faciles à vivre :
– la tristesse de devoir renoncer à son patrimoine génétique et à une vision idéalisée de la famille,
– la colère : contre notre corps, contre la société, contre toutes les femmes qui tombent enceintes autour de nous
– enfin, la culpabilité, la sensation que c’est notre faute. Que notre corps ne répond pas comme il devrait, qu’on ne peut pas compter sur lui. Certaines femmes me disent même des phrases très dures comme « mon corps est périmé ». Il y a beaucoup de dévalorisation, de perte de confiance en soi.
Ces émotions sont d’autant plus fortes que quand on se lance dans une FIV DO, on a en général un long (et lourd) parcours derrière soi.
– La FIV DO : un choix qui réveille beaucoup de peurs
Le don d’ovocytes représente pour beaucoup la solution ultime. Il y a donc la peur très présente que « même ça » ne marche pas.
Cependant, recourir à un don d’ovocytes réveille aussi des peurs plus profondes : des peurs difficiles à avouer et à assumer et qui pourtant sont très courantes. On se pose pleins des questions comme :
– Est-ce que l’enfant va me ressembler ? À qui va-t-il ressembler ? (sous-entendu : et s’il ressemblait à la donneuse, que je ne connais pas ?)
– Est-ce que je vais l’aimer autant que si c’était mon enfant génétique ?
– Est-ce que mon enfant ne va pas me rejeter à l’adolescence ? Est-ce qu’il va m’en vouloir?
– Est-ce que mon entourage va l’accepter ? Ne vont-ils pas nous juger ?
– Pour les pays où le don est anonyme (exemple : Espagne) : comment l’enfant va-t-il vivre cette part d’inconnue, et cette impossibilité de connaître ses origines ?
– Pour les pays qui ont voté la « levée de l’anonymat » (c’est à dire qui donnent le droit aux enfants de connaître l’identité de leur donneuse à leurs 18 ans, comme par exemple en France et au Portugal) : comment vais-je le vivre si mon enfant décide de partir à la recherche de sa génitrice ?
Ces interrogations, très intimes et souvent difficiles à avouer, sont pourtant communes à beaucoup de femmes en parcours de FIV DO. Elles peuvent être émotionnellement difficiles à vivre, et sont exacerbées par le manque d’informations que l’on a en général sur la donneuse.
Mes conseils pour avancer plus sereinement vers le don d’ovocytes
1 – Reconnaissez vos émotions et confrontez vos peurs
La première étape est d’ordre émotionnel, et elle aborde la question du deuil.
Le mot va vous paraître fort, mais la première étape est de prendre conscience que vous passez par une phase de deuil. Deuil de votre fertilité, deuil d’une certaine vision de la famille, deuil de l’enfant génétique, deuil de la continuité de vos gènes.
Et comme dans tout deuil, il ne se fait pas en 2 jours : cela demande tout un processus d’acceptation, qui passe par valider vos émotions et vous laisser les vivre, sans vous juger et sans culpabiliser.
En effet, toutes les émotions que vous ressentez sont valides et il n’y a pas à en avoir honte. C’est OK d’être triste, en colère, de vous sentir dépassée, de douter, d’avoir peur : vous vous engagez sur un autre chemin vers la maternité, un chemin qui n’était pas celui que vous aviez rêvé ou imaginé, et où il y a beaucoup d’inconnues.
Par conséquent, identifier, comprendre et accepter vos émotions est la première étape indispensable.
La deuxième étape : confronter vos peurs
Ne pas les mettre sous le tapis, les regarder en face, les challenger et trouver en vous les ressources pour les dépasser. En les confrontant, vous vous rendrez compte que la plupart de vos peurs sont irrationnelles, qu’elles n’ont pas de fondement objectif et correspondent à des choses qui n’arriveront probablement jamais. Remettre ces peurs en perspective vous permettra de mieux les vivre.
Exercices pratiques :
Un outil que j’utilise beaucoup est l’écriture. Je vous propose ici 3 exercices :
1/ Prenez un cahier et écrivez chaque jour pendant 5 minutes. Pas besoin de faire plus de 5 minutes mais il est important de le faire chaque jour, et si possible à la même heure – comme une petite routine. Écrivez tout ce qui vous vient, ce que vous ressentez sur le moment, sans filtre et sans jugement. Cela va vous permettre de prendre conscience de vos émotions, et des pensées qui tournent dans votre tête (vos « ruminations »), de les extérioriser et de prendre de la hauteur.
2/ Le journal émotionnel, dont je parle dans ce post.
3/ Écrivez toutes vos peurs, même celles qui vous paraissent les plus bêtes, bizarres ou inavouables.
Puis essayez de prendre de la distance en répondant à ces peurs de la manière la plus rationnelle et objective possible :
– Cela risque-t-il vraiment d’arriver ?
– Qu’est-ce que je peux faire pour l’empêcher ? Quelles sont mes ressources ?
– Est-ce que cela dépend de moi ?
2 – Réfléchissez à votre vision de la maternité
Mon deuxième conseil est de l’ordre de la réflexion intime
Je vous invite à vous poser les questions suivantes, de la manière la plus honnête et spontanée possible :
– Tout d’abord, qu’est-ce que la maternité représente pour vous ? Nous avons toutes notre propre vision : cela peut être l’amour inconditionnel ; le fait de donner un cadre et des valeurs à un enfant pour qu’il grandisse et développe sa propre personnalité ; ça peut être le partage, la joie, etc.
– Qu’est-ce que c’est que la transmission pour vous ? Est-ce la transmission de vos yeux bleus ? La transmission de votre histoire familiale ? La transmission de vos valeurs, de votre savoir-être, de votre vision de la vie ?
– Quelle maman souhaitez-vous être pour votre enfant ?
– Qu’apporterez-vous à votre enfant, au-delà de la génétique ? De l’amour, une bonne éducation, votre sens de l’humour, votre détermination, votre douceur, un cadre familial stable, etc.
– Et enfin, qu’est-ce que la ressemblance ? La ressemblance va en réalité bien au-delà de la pure ressemblance physique. Elle passe par la manière d’être, de marcher, de sourire, de parler ; par des gestes, des intonations de voix ; par le caractère. J’ai accompagné de nombreuses femmes qui sont devenues maman grâce à un don d’ovocytes. Beaucoup me disent que leur enfant leur ressemble. Ceci s’explique probablement par le choix de la donneuse, puisque la clinique choisit la donneuse dont les caractéristiques physiques se rapprochent le plus de celles de la future maman. Mais cela s’explique également par le mimétisme qui s’opère entre un enfant et son entourage proche, et qui joue beaucoup dans la ressemblance et dans le développement de l’enfant pendant les premières années de vie.
Exercice pratique :
Posez-vous sincèrement toutes ces questions, prenez le temps d’y répondre. Et pourquoi pas, écrivez une lettre à votre futur enfant, en lui expliquant vos peurs, vos doutes mais aussi vos motivations, vos envies, vos valeurs, votre vision de la maternité, ce que vous allez lui lui apporter, ce que vous voulez pour lui.
3 – Informez-vous
Informez-vous sur l’épigénétique
L’épigénétique est un nouveau domaine de la recherche scientifique qui démontre que les facteurs environnementaux ont un effet sur l’expression ou non de certains gènes. Ça veut dire que les gènes d’une personne ne sont pas « coulés dans le béton », et que tout ce qui se passe pendant la grossesse et les premières années de vie de l’enfant (alimentation, hygiène de vie, stress etc.) aura un impact sur l’expression génétique.
Pour faire simple, cela veut dire qu’un même embryon ne donnera pas le même enfant selon qu’on le transfère dans l’utérus d’une femme A ou B, et qu’il grandit dans une famille A ou B.
L’éducation, les opportunités que vous offrirez à notre enfant et votre style de vie vont avoir une influence énorme sur son développement en tant que personne. Ce n’est pas l’embryon seul qui va faire que le futur enfant sera plus ou moins intelligent, plus ou moins sportif : vous pouvez recevoir les ovocytes d’une donneuse ultra sportive, si votre fils vous voit toute la journée allongée sur le canapé, il ne sera jamais un athlète. Et c’est pareil pour l’intelligence.
Informez-vous auprès de femmes qui ont été maman par don d’ovocytes
Des femmes qui sont passées par là et qui ont eu les mêmes doutes et les mêmes peurs que vous. Les réponses qu’elles auront trouvé leur sont propres, mais partager leur expérience peut vous aider à mieux comprendre ce que vous ressentez, à vous projeter et à vous rassurer.
Il existe de nombreux forums, associations pour cela. Si vous souhaitez un contact plus personnalisé n’hésitez pas à me contacter 🙂
L’association She Oak peut également vous aider.